Étude de l’Avifaune de la Butte d’Orgemont

I - Introduction

La présente étude a pour objet d’informer les acteurs et partenaires locaux qui concourent à la protection ou œuvrent à l’entretien du site d’Orgemont, de l'intérêt majeur de sa richesse ornithologique, ceci à moins de dix kilomètres de la Capitale.

Mais elle s’adresse aussi à un plus large public qui par le biais des Associations ou comme simple particulier est partie prenante de la pérennité de cet îlot de verdure épargné par le bétonnage, si souvent calamiteux, des espaces verts en zone urbaine.

II - Présentation du site

La Butte d’Orgemont est le prolongement naturel des buttes du Parisis, espace autrefois à vocation agricole (cultures vivrières, vergers, vigne), lequel a perduré jusqu’au début du XXe siècle.

 

Mais c’est au cours de ces cinquante dernières années, que la Butte a connu des bouleversements importants, qui ont profondément modifié les paysages sans pour autant affecter l'intérêt biologique du site que nous connaissons aujourd’hui.

Depuis le comblement des carrières de gypse avec des matériaux divers jusqu’aux récents apports de terre en provenance du Stade de France, le sous-sol et le sol de la Butte ont été profondément remaniés. Actuellement, on ne peut donc parler de milieu naturel mais plutôt de site aménagé sur un support rudéral de matériaux rapportés.

Par place, on peut encore rencontrer des veines de marne plus ou moins imperméables ou l’eau de pluie se maintient soit sous la forme de mares temporaires ou plus discrètement d’ornières boueuses.

Ces points d’eau servent entre autre d’abreuvoirs aux oiseaux, mais surtout à la reproduction d’une espèce d’amphibien assez rare en région parisienne : le crapaud calamite (Bufo calamita).

Malheureusement, les sécheresses répétées de ces dernières années ont entraîné des assèchements précoces de ces points d’eau, et par-là même compromis la reproduction des crapauds calamites. C’est ce que nous avons pu constater tant en 1997 qu’en 1998, où des centaines de têtards de cette espèce ont été anéanties lors du tarissement des mares.

D’autres mares récemment creusées semblent bien retenir l’eau de pluie. L’une d’elles, à la fin du printemps 1998, abritait quelques dizaines de têtards en cours de métamorphose.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En bordure du plateau, ont été créées des terrasses avec des plantations d’arbustes sur plastique agricole. Tous ces travaux ont été coordonnés par l’ONF ( Office National des Forêts ) dont il faut saluer ici le travail exemplaire mais aussi constructif, prenant en compte les suggestions des Associations locales.

Trois types principaux de biotope se juxtaposent sur la Butte d’Orgemont où d’est en ouest on rencontre :

- la prairie de fauche récente sur remblais de terre rapportée.

- la prairie rudérale ancienne en partie arbustive.

- le bois, constitué principalement de robiniers (Robinia pseudacacia).

Si chaque biotope accueille des espèces d’oiseaux particulières, les "chevauchements" aux lisières sont fréquents. Ainsi la Fauvette grisette (Sylvia communis), passe indifféremment de l’orée du bois à la prairie arbustive et vice versa.

De même, certaines espèces fréquentent deux biotopes contigus, passant de l’un à l’autre sans nécessité particulière. C’est le cas des Mésanges bleues (Parus caerulus) et charbonnières (Parus major) ou du Tarier pâtre (Saxicola torquata).

prairie de fauche prairie arbustive bois de robiniers

III - Les recensements ornithologiques

C’est tout au long des années 1997 et 1998 que nous avons procédé au recensement plus ou moins systématique des espèces d’oiseaux qui fréquentent la Butte soit de manière régulière ou occasionnelle, lors des migrations annuelles.

La méthodologie utilisée a consisté à parcourir à deux, un circuit en boucle au cours duquel on a relevé sur le carnet de terrain toutes les espèces d’oiseaux observées ainsi que l’heure, les conditions climatiques du moment, mais aussi le type de biotope.

Les observations on été effectuées à l’aide de jumelles ( 7,5 x 42 ) et parfois d’une longue-vue ( 20 x 60 ) en milieu ouvert. L’identification a été complétée par des ouvrages de terrain dont " Les Oiseaux d’Europe " de Lars Jonsson / Nathan ou " Tous les oiseaux d’Europe " de B.Bruun et A.Singer / Elseviers.

Le relevé des espèces a été reporté, le jour même de la sortie, sur une fiche comportant au recto un tableau des espèces (à compléter ) et au verso une carte du site sur laquelle on a fait figurer les espèces remarquables en regard des biotopes où elles ont été observées.

IV - Commentaires

L’exploitation des relevés ornithologiques telle que nous la présentons dans cette étude, est plus qualitative que quantitative. En effet, à raison d’une ou deux sorties par mois il s’est avéré difficile sinon illusoire à prétendre quantifier chaque espèce de manière systématique. Par contre, nous avons acquis une connaissance assez précise des effectifs de certaines espèces remarquables comme la Fauvette à tête noire, le Pouillot fitis, le Bruant zizi et la Fauvette grisette.

Ce sont finalement cinquante espèces d’oiseaux regroupées en dix-neuf familles que nous avons recensées à ce jour sur la Butte d’Orgemont, ceci au cours de ces deux dernières années (voir Tableau I).

Les espèces remarquables

Fauvettes et Pouillots

Fauvettes et Pouillots appartiennent à la famille des Sylviidés . Les premières sont du genre Sylvia, les seconds du genre Philloscopus.

Fauvettes des jardins et fauvettes à tête noire arrivent sur la Butte fin mars ou début avril pour en repartir fin août. Certaines années, lorsque l’automne est doux, on peut surprendre des individus encore sur le site, ceci jusqu’en octobre. Ce sont surtout des fauvettes à tête noire. Mais à l’approche des premiers froids, elles migrent vers le sud pour ne revenir qu’au printemps suivant.

 

La fauvette grisette elle, arrive pour nicher un mois plus tard. Mais il est bien rare de l’observer après la fin juillet. Elle quitte donc très tôt ses quartiers d’été pour migrer vers le sud, ceci par petites étapes.

Sur la Butte d’Orgemont, la fauvette à tête noire fréquente les milieux boisés comportant des fourrés épais.

La fauvette des jardins, se tient plus dans la verdure arborescente où il n’est pas aisé de l’apercevoir.

La fauvette grisette elle, recherche les milieux ouverts tels les lisières de bois ou les prairies arbustives anciennes comportant des ronciers. Nous l’avons observée, le plus souvent perchée sur un arbre isolé ou faisant le va et vient entre plusieurs arbustes pour disparaître dans un roncier voisin.

Mais le plus sûr critère d’identification des fauvettes reste le chant pratiqué durant la pariade quand les mâles marquent leurs territoires.

Celui de la fauvette à tête noire est mélodieux avec une intensité croissante, alors que la fauvette des jardins se signale par un chant plus doux et monotone. La fauvette grisette émet un gazouillis rapide et plutôt grinçant à partir d’un perchoir élevé. Le cri d’alarme est souvent un " tèc - tèc - tèc " avec parfois inséré un " houèth - houèth " chez la fauvette grisette.

Nous avons observé les trois espèces en couple, parfois accompagnées d’un ou deux jeunes. Elles sont donc nicheuses et reviennent chaque année pour se reproduire sur le site d’Orgemont.

Les pouillots sont représentés par deux espèces difficiles à identifier visuellement, tant les caractères spécifiques sont peu marqués. Là encore le chant de chaque espèce permet une identification sûre. Le chant du pouillot véloce est une suite de notes sautillantes en " tchiff - tchaff " plutôt monotone. Celui du pouillot fitis est un gazouillis mélodieux et liquide finissant en decrescendo.

Sur la Butte d’Orgemont, on rencontre le pouillot véloce dans les bois, les fourrés et même sur les arbres et arbustes isolés. Le pouillot fitis lui, préfère la cime des grands arbres (peupliers).

Fauvettes et pouillots sont avant tout des insectivores même s’ils consomment de temps à autre des baies. Ils sont un bon indicateur de la richesse entomologique de la Butte.

Les spécificités particulières des biotopes de chacune de ces espèces doivent-être pris en compte lors de l’aménagement ou de l’entretien du couvert végétal de la Butte d’Orgemont.

Bruant zizi

Cette espèce, de la famille des Embérizidés, est qualifiée de rare dans la région parisienne, notamment aussi près de la Capitale.

Sa présence est signalée régulièrement sur la Butte d’Orgemont et ceci de longue date.

Pour notre part, nous y avons recensé deux couples se partageant le plateau, l’un aux lisières du bois d'acacias, l’autre à l’opposé non loin de la mare aux crapauds calamites.

Bien que sédentaire, le Bruant zizi abandonne le site les hivers de grands froids. Mais il peut revenir sur ses aires de reproduction à la mi-février, dès que les conditions atmosphériques sont plus favorables à la recherche de nourriture.

Il est essentiellement granivore mais ne dédaigne pas les insectes, surtout durant la période initiale de l’élevage des jeunes.

Le Bruant zizi est assez farouche et par suite difficile à approcher. Son chant, émis depuis la cime d’un arbuste, voir même du sommet d’un poteau, est une suite vibrante de notes métalliques.

De par sa rareté, le Bruant zizi est l’oiseau emblématique de la Butte d’Orgemont. Sa survie sur la Butte est liée au maintien des milieux ouverts, dont la prairie arbustive est le biotope le plus représentatif.

Tariers pâtre et Tariers des prés

 

Les Tariers appartiennent à la grande famille des Turdidés dont les représentants les plus connus sont les rouge-gorge, les merles et les grives. Les deux espèces sont regroupées sous le genre Saxicola.

Les Tariers affectionnent les biotopes très ouverts, tels que les prairies anciennes parsemées de buissons ou les landes sèches à bruyères. Sur la Butte d’Orgemont, ils se tiennent sur les prairies mixtes à plantes vivaces et annuelles non fauchées.

Le Tarier pâtre se perche plus volontiers sur les arbustes, le Tarier des prés sur les herbes hautes comme une bardane, un mélilot ou un chardon dressé

Les mâles des deux espèces sont facilement identifiables par leurs plumages contrastés. Les femelles requièrent plus d’attention lors de la détermination des caractères distinctifs.

Les Tariers sont des insectivores. Leur présence régulièrement attestée sur la Butte constitue un bon indicateur de potentialité alimentaire de cette dernière.

En partie sédentaire, le Tarier pâtre adopte un comportement erratique dès le début de l’automne. En hiver, il est absent de la Butte pour n’y revenir que courant mars ou début avril.

Le Tarier des prés est un migrateur transsaharien. Présent sur la Butte de juillet à septembre, il la quitte début octobre. Il semble toutefois que sa présence ne soit pas régulière, où certaines années il n’est pas observé. De plus, son statut sur la Butte est très mal connu et devra faire l’objet d’un suivi particulier tout comme le Tarier pâtre.

Fauvettes, Pouillots et Tariers, visiteurs réguliers de la Butte d’Orgemont en majorité insectivores, sont très dépendants des potentialités alimentaires de cette dernière. En particulier, les prairies ne doivent être fauchées qu’à partir de juillet. En effet, les conditions de reproduction de ces espèces, dépendent à la fois du maintien des prairies non fauchées mais également de la présence de fourrés et de buissons très denses pour la nidification. Le non respect de ces impératifs écologiques aboutirait à une régression des effectifs voir à la disparition de certaines espèces.

Le faucon crécerelle

Ce rapace diurne est un Falconidé du genre Falco.

Sur la Butte d’Orgemont il est présent toute l’année. On peut l’observer voletant sur place et à quelques mètres au dessus des prairies à la recherche de petits rongeurs tels que mulots et campagnols qui constituent 80 % environ de son régime alimentaire. Il ne dédaigne pas les insectes et rarement les petits oiseaux, durant la mauvaise saison.

Il est nicheur, soit dans les grands arbres de la propriété du Moulin ou en ville sur les toits des grands immeubles, voir même sur les plates-formes des grands réverbères de l’Autoroute A15.

Fin juillet 1997, nous avons observé un couple accompagné d’un jeune non émancipé et à qui les parents apportaient de la nourriture.

Le 18 septembre 1998, ce sont quatre individus qui effectuaient une sorte de "ballet poursuite", au-dessus de la Butte avec des pies, ceci, sans agressivité apparente.

De par son régime alimentaire, le Faucon crécerelle est lui aussi un bon indicateur de l’abondance des micromammifères de la Butte d’Orgemont.

Combien sont-ils ? ( estimation )

- Pouillot véloce : 8 à 10 couples

- Pouillot fitis : 2 couples, peut-être 3

- Fauvette à tête noire : 5 à 10 couples répartis sur toute la Butte.

- Fauvette des jardins : 5 couples (?).

- Fauvette grisette : 2 couples, 3 au plus.

- Bruant zizi : 2 couples, 3 au plus.

- Tarier pâtre : 2 à 3 couples.

- Pic vert : 1 couple.

- Faucon crécerelle : 1 couple, (2 ?).

Les visiteurs occasionnels

Nous avons rangé dans cette catégorie, les espèces qui ont été observées sur la Butte durant un temps plus ou moins limité.

En 1997 :

- un couple de Mésanges noires, observé début mars dans le bois de Robiniers.

- un Traquet motteux mâle arrivé fin mars et observé pour la dernière fois le 16 mai sur la prairie de remblais.

- une Tourterelle des bois le 11 juin, posée sur un robinier près de l’ancienne route.

En 1998 :

- une Mésange nonnette, observée début mars sur la parcelle boisée.

- un couple de Tarier des prés, en limite de plateau et qui semblait de passage.

Cette espèce n’est pas étrangère à la Butte où on peut l’observer certaines années et pas d’autres. Son statut est mal connu.

- un Pic noir, aperçu le 18 septembre en vol au-dessus de la Butte et revu le 18 octobre par le CORIF(Centre Ornithologique de la région Ile de France), le week-end de la Migration.

- un Pic épeichette femelle observé le même jour que le Pic noir.

Cette espèce est peut-être nicheuse dans la carrière Sovérini (?).

Les Espèces disparues

Nous entendons par espèces disparues celles qui, signalées régulièrement lors de recensements antérieurs, n’ont pas été observées sur la Butte d’Orgemont depuis plusieurs années.

Nous citerons sans hésitation, l’Alouette des champs (Alauda arvensis) que nous n’avons pas observée au cours des deux années écoulées. Cette espèce, encore répandue sur les prairies de la Butte dans les années 80, y était nicheuse. Mais les profonds bouleversements apportés à son biotope au début des années 90 ont contraint l’Alouette des champs à émigrer vers d’autres sites. S’agit-il d’un abandon temporaire ou d’un phénomène déjà entamé au cours des décennies précédentes et qui s’est accéléré suite à ces bouleversements ?

La prairie ayant été restaurée, on peut raisonnablement opter pour la première hypothèse et ainsi espérer revoir ce passereau si populaire fréquenter la Butte dans un avenir plus ou moins proche.

D’autres espèces n’ont pas été revues ni entendues sur la Butte ces dernières années.

Il s’agit du Pouillot siffleur (Phylloscopus sibilatrix) mais pour lequel nous faisons quelques réserves, cette espèce étant difficile à identifier. Par contre, nous n’avons pas entendu son chant au cours des sorties de printemps de ces deux dernières années.

Quant au Loriot d’Europe (Oriolus oriolus) et au Bruant jaune (Emberiza citrinella) bien que cités par certains auteurs, nous ne les avons jamais observés ni même entendus sur la Butte. S’agissait-il, d’oiseaux de passage ayant fait l’objet d’observations ponctuelles ?

Inventaire de l'Avifaune